15 avr. 2019

DÉBAT Nº21 NIVEAU INTERMÉDIAIRE

"On ne ppas faire autrement que On ne peut pas faire autrement que les aider" : une nuit avec les montagnards sauveurs de migrants

La nuit n’est pas encore tombée mais le froid, lui, s’abat sur la ville en même temps que le soleil disparaît derrière les pics enneigés. Les familles en tenue d’après-ski rentrent d’une journée à dévaler les pistes, fourbues et heureuses. Les parkings des grandes surfaces se remplissent. On prépare le dîner, la raclette, on achète de la bière et du vin, du fromage et du jambon. A la piscine municipale, les entraînements battent leur plein et on se délasse au spa dans les vapeurs d’eau chaude. Juste en face, la patinoire résonne du bruit des palets frappés à pleine vitesse. Dans cette enceinte mythique, l’équipe des « Diables rouges » se prépare à son prochain affrontement. Les bars sont bondés. La rivière qui longe la route, près de la zone commerciale, charrie une eau glacée. Il ne ferait pas bon y tomber. Les compétitions de kayak reprendront au printemps. Là-haut, les pentes enneigées et les forêts profondes basculent dans l’obscurité.

CHUTES, NOYADES, HYPOTHERMIES

Au « Refuge solidaire », non loin de la gare de Briançon, c’est l’heure du dîner. Les bénévoles servent les repas à la cinquantaine de réfugiés qui sont hébergés ici et passent leurs journées, désœuvrés, à écouter de la musique, à jouer au foot ou à regarder des vidéos sur leur portable. Quelques jours de repos avant d’entamer la suite de leur périple. On joue aux cartes. Un jeune homme, sourire aux lèvres, se met à rire aux déconvenues du chat dans les aventures de « Tom et Jerry ». Sur la terrasse à l’arrière du bâtiment, certains terminent de faire leur lessive. En contrebas, un petit local. Des hommes et des femmes en tenue de randonnée arrivent les uns après les autres. Ce soir, comme tous les soirs, un petit groupe va partir en montagne, du côté du col de Montgenèvre. Car tous les soirs, des groupes de réfugiés tentent de passer la frontière entre l’Italie et la France. Ils prennent les derniers bus jusqu’à Clavières, puis s’engagent dans les bois pour contourner Montgenèvre, où se trouve le poste de la PAF (Police Aux Frontières). Du côté italien, à Oulx qu’ils ont la plupart du temps rejoint en train, des associations leur ont fourni des vêtements chauds et des chaussures. Mais ils ne connaissent rien de cet environnement hostile. La neige, les bois la nuit, les pentes caillouteuses, les pistes qui se perdent et les ravins au détour d’un chemin. Le froid glacial. Des risques naturels aggravés par la peur de la police. En voulant éviter les contrôles, les réfugiés s’engagent sur des terrains escarpés et en altitude, se mettant dans des situations toujours plus dangereuses. En trois ans, plusieurs personnes sont mortes. Chutes, noyades, hypothermies. Les blessures sont nombreuses, de la fracture aux engelures, dont certaines ont mené à l’amputation.
« On ne peut pas faire autrement que les aider, c’est complètement naturel pour nous », explique Benoît Ducos, menuisier et ancien pisteur-secouriste. Membre de l’association « Tous migrants », Benoît participe aux maraudes depuis les débuts, à l’hiver 2016. Moins souvent aujourd’hui, depuis qu’il est dans le collimateur de la justice pour avoir transporté dans sa voiture une famille rencontrée à proximité du col de l’Echelle, dont la mère, enceinte de huit mois et demie. Quelques heures plus tard, elle avait donné naissance à un petit garçon à l’hôpital de Briançon. Si cette affaire, pour laquelle il était poursuivi pour « aide à l’entrée illégale sur le territoire français », a été classée sans suite par le tribunal de Gap en raison de son caractère humanitaire, il n’en a pas été de même pour celle dite des « sept de Briançon ». Lors d’une manifestation visant à protester contre la présence de militants identitaires au col de l’Echelle, plusieurs personnes avaient été interpellés puis jugées là aussi pour « aide à l’entrée irrégulière d’un étranger en France ». Benoît a écopé de six mois de prison avec sursis, quand d’autres ont été condamnés à des peines de prison ferme pour rébellion. Le menuisier-secouriste a donc du réduire sa participation aux maraudes. Un prochain contrôle pourrait l’envoyer en prison. Sans compter que ces trois ans d’intense activité ont usé les organismes. Les aides extérieures sont donc les bienvenues. Des bénévoles venus de toute la France, certains politisés, d’autres mus seulement par des motifs humanitaires, des étrangers, hollandais, anglais, allemands, des Italiens de l’autre côté de la frontière. Il y a ceux qui ne veulent pas entendre parler de journalistes, suppôts évidents du capital et de l’Etat répressif, ceux qui ne savent pas trop, et ceux qui, comme Benoît, rappellent que sans la presse, les radios et la télévision, les dons et les aides, matérielles et humaines, n’auraient pas été aussi nombreux. Sa parole et son autorité de montagnard aux traits creusés par le grand air, son expérience, les risques qu’il a su prendre, en imposent à ceux qui sont de passage.

8 avr. 2019

DÉBAT Nº 19 NIVEAU INTERMÉDAIRE

Colonisation : la Belgique s'excuse pour les enfants de couples mixtes arrachés à leurs mères

Bruxelles a officiellement présenté le 4 avril 2019 ses excuses pour les "injustices" subies par les milliers d'enfants métis nés de pères belges au Congo, Rwanda et Burundi pendant la période coloniale. Enfants qui furent par la suite arrachés à leurs mères africaines et victimes de ségrégation. Ils furent souvent confiés à des institutions religieuses.

"Au nom du gouvernement fédéral belge, je présente nos excuses aux métis issus de la colonisation belge et à leurs familles pour les injustices et les souffrances qu'ils ont subies", a déclaré le Premier ministre, Charles Michel, devant la Chambre des représentants. Il a dit souhaiter que "ce moment solennel soit une étape supplémentaire vers une prise de conscience de cette partie de notre histoire nationale".

En 1885, la conférence de Berlin avait reconnu au roi des Belges Léopold II "la possession à titre privé d'un vaste territoire au cœur de l'Afrique noire, qui sera baptisé 'Etat indépendant du Congo'". Une "propriété privée" (aujourd’hui République démocratique du Congo) que le souverain va "saigner à blanc"… Les trois pays sont devenus indépendants au début des années 1960.

Un "tabou"
Le sort des enfants nés de pères belges et de mères congolaises, rwandaises et burundaises pendant la colonisation "a longtemps été tabou en Belgique". Pour le cofondateur de l’association Métis de Belgique, François d’Adesky, entre 14 000 et 20 000 bébés métis sont issus de liaisons entre colons et femmes africaines.

"L'homme blanc qui vivait avec son enfant et sa partenaire africaine devait se comporter discrètement en public, violant apparemment une loi coloniale, une sorte d'apartheid non écrit, mais irrésistible. S'il ne le faisait pas, son contrat (lui permettant de séjourner dans la colonie pouvait) être rompu", explique le site de l’association. "La femme africaine ne pouvait épouser son mari européen qu'en vertu de son droit coutumier et non selon la loi belge." Ces unions n’avaient donc pas de valeur pour la Belgique.

De même, la plupart des enfants nés dans ces couples n’ont pas été reconnus par leurs pères. Ceux que l’on appelait "mulâtres" (mot venant étymologiquement de "mulet, bête hybride", dixit le Petit Robert) ne devaient se mêler ni aux Blancs, ni aux Africains, phénomène que Charles Michel a qualifié de "ségrégation ciblée". Ces enfants étaient parfois considérés "comme l’incarnation de la décadence morale qui se propage aux colons". Ils furent donc vus "comme un problème, voire un danger, puis un tabou".


Enfants burundais, rwandais et congolais dans un camp de réfugiés implanté dans le nord-ouest de la Tanzanie. Photo prise en 1899. (DORIGNY/SIPA / SIPA)

"Dès la mort de mon père, en 1956 (j’avais six mois à l’époque), les autres Belges chassèrent ma mère avec les enfants de la maison que nous occupions, ils prirent les meubles (et les) objets de valeur pour les renvoyer en Belgique. Deux ans après (...), tous ses biens aux colonies (avaient)disparu. Mon père avait souscrit une assurance pour nous permettre d’étudier, mais jamais cet argent ne fut confié à ma mère. Une Africaine, vous pensez, comment allait-elle gérer ce petit pécule, on n’en a jamais vu la couleur…", a raconté l'un de ces enfants au journal Le Soir.

Seuls 10% de ces petits métis ont été reconnus par leur père, raconte François d’Adesky. Résultat : les autres ont été abandonnés "chez les missionnaires (les mères ne pouvant pas s’y opposer)", selon axelmag.be. Nombre d’entre eux ont été "envoyés dans des institutions religieuses comme le pensionnat des Sœurs à Save au Rwanda". Certains se sont retrouvés à la rue. 

En 2017, l’Eglise catholique a présenté ses excuses et ouvert ses archives sur cette période.

"Politique d’enlèvements"
Au moment des indépendances, "les religieuses de Save et un prêtre belge, le père Delooz, ont le sentiment que la situation, au Rwanda et au Congo, va évoluer très vite, que le Mwami (le roi) et les Tutsis en général n’aiment pas les enfants mulâtres, qui pourraient se retrouver en danger", rapporte Le Soir. Entre 1959 et 1962, un millier d'entre eux ont été rapatriés en Belgique par les autorités du royaume dans des conditions controversées. Ils ont été séparés de leurs mères et du reste de leur famille. Avant d’être placés dans des pensionnats ou adoptés par des familles belges.

"La répartition des enfants métis sur l'ensemble du territoire de la Belgique s'est effectuée en séparant les fratries et a entraîné des pertes d'identité dues aux différents changements de prénoms, de noms, de dates de naissance", a expliqué Charles Michel. Déplorant "une politique d'enlèvements forcés", il a évoqué aussi leur "extrême difficulté" à reconstruire ensuite leur vie dans le pays. Et à être recevoir la citoyenneté belge, faute de reconnaissance par le père.

Pour le cofondateur de Métis de Belgique, né en 1946 d'un père belge, employé d'une société minière, et d'une mère rwandaise, ces excuses de l'Etat belge sont "un événement historique". Lui-même dit avoir eu la chance d'être reconnu par son père et de compter parmi les premiers revenus en Belgique, dans les années 1950. "Mais ma mère a dû rester au pied de l'avion. Je ne l'ai revue que 23 ans après", a raconté François d'Adesky à l'AFP.

3 avr. 2019

DÉBAT Nº 18 NIVEAU INTERMÉDIAIRE

Le smombie, ce comportement très inquiétant

David Fernandes,Yahoo Actualités il y a 22 heures